Les flocons tourbillonnaient mollement dans l’air froid ; ils empruntaient le mouvement exact de mes pensées, tombant sans consistance au sol, engourdies. C’est en aidant un ancien à dégager un paquet de neige accumulé devant la tanière que j’en pris conscience. La charge étant trop lourde pour un apprenti, quelques guerriers bénévoles s’étaient regroupés pour cette tâche, et nous ne nous en sentions nullement diminués. Un grognement mécontent fusa de l’intérieur – je me garde de retranscrire les propos alors usés, parlant d’hiver mortel ou d’étouffement dû à la volonté du Clan des Etoiles. Les remerciements venaient parfois bien tard, car les anciens tenaient à l’once de dignité qu’il leur restait, et nul ne pouvait leur en vouloir.
Nous étions fatigués ; la pile de gibier ne suffirait pas à combler l’énergie demandée par nos organismes. Certains partirent à la chasse, mais je demeurai assise devant le maigre tas, pensive. En jetant un coup d’œil à ma silhouette, je pris conscience de ma maigreur ; je n’avais plus rien avalé depuis une période indéterminée, par souhait de subvenir aux besoins du Clan avant toute chose. Or, qu’est un meneur chétif, incapable de diriger convenablement, proie d’une faim féroce ? Ma queue balaya la neige et mon estomac gronda en chœur ; pourtant je me refusais à m’accorder une seule portion de gibier. Face à ce dilemme, je regardai d’un œil noir les frêles créatures qui n’attendaient qu’à être mangées, excluant le monde qui m’entourait.
« Satané hiver. S’il eût été un chat, je l’aurais pris à la gorge. », maugréai-je pour moi-même.
Dernière édition par Étoile de la Nébuleuse le Jeu 20 Avr - 13:28, édité 1 fois
Sujet: Re: Worried about the future | Bloody Jeu 20 Avr - 17:48
worried about the future
The future will be better tomorrow Δ Ft. Honey
Le froid mordant de la saison fut coupable de mon désagréable réveil. Je sentis la poudreuse chatouiller mon museau, m'arrachant aux doux bras de Morphée. Les flocons menaient une dansent dans la clairière, aussi belle que froide, sous laquelle je me résignai de passer pour me dégourdir les pattes. La journée allait être longue; d'une part à cause des réserves qui s'amenuisaient, d'autre part à cause de la froideur de la journée.
Je traversai à petits pas la clairière, sautillant presque pour toucher un minimum la neige, arrivant rapidement à la pile de gibiers. La tentation de prendre une proie à manger était grande, mais reines et anciens en avaient plus besoin, j'aurais d'autres occasions de me remplir l'estomac dans la journée; du moins je l'espère. J'aperçus notre chef, Etoile de la Nébuleuse, dans la clairière, près d'un tas de neige dégagé alors que je n'étais pas encore présente; je me sentis un pincement au cœur. Les traits contractés de son visage me présageaient qu'elle était anxieuse; sans doute par rapport aux faibles réserves du Clan. Je m'approchai de la meneuse, une fois certaine que les patrouilles de l'aube étaient bien parties.
« Satané hiver. S’il eût été un chat, je l’aurais pris à la gorge. », je l'entendis maugréer.
Je m'approchai encore pour me mettre face à elle, souriant, et les yeux toujours emplis d'espoir.
« L'hiver finit toujours par passer et le printemps ramène l'espoir. » peut-être de bêtes paroles, pourtant vraie. Tu devrais manger, tu n'as pas l'air en forme...»
Qu'est-ce qu'un Clan sans chef en bonne et due forme? Un Clan peu apte à résister au froid.
Je ne remarquai la présence de Symphonie des Abysses que lorsqu’elle se posta devant moi, ses grands yeux brillants d’un espoir vivace. Je faillis sursauter ; j’eus assez de contenance pour m’en empêcher. Le pelage noir de ma lieutenante contrastait avec la poudreuse environnante, il était donc impossible de feindre ne pas l’avoir remarquée.
« L'hiver finit toujours par passer et le printemps ramène l'espoir. »
Lentement, je ramenai mon regard vers elle, réfrénant une envie de soupirer. Malgré tout, elle avait réchauffé une partie de mon cœur, par sa simple présence et sa compassion.
« Tu devrais manger, tu n'as pas l'air en forme...»
Je réfléchis quelques instants. Manger ? Alors que les guerriers se tuaient à la tâche pour ne découvrir au mieux que des proies rachitiques, au pire rien du tout ? Pourquoi aurais-je droit à ma part, moi qui ne contribuais guère à ces incessantes battues désespérées ? Je secouai la tête.
« Personne ne va bien ici ; les anciens ne cessent de se plaindre, les reines ont moins de lait, les petits criaillent, les apprentis sont exténués au même titre que les guerriers, ils ne cessent de patrouiller et chasser et je, je… »
Je m’interrompis pour reprendre mon souffle et toussai. Allons bon, il ne manquait plus que cela !
« De toute manière, il n’y a pas grand-chose. », conclus-je en évitant son regard.
Sujet: Re: Worried about the future | Bloody Jeu 13 Juil - 18:55
ft. Rivière de Rose & Symphonie des Abysses
Something Wild
De son air surpris, je compris que ma meneuse ne s'attendait pas à me voir, ce qui ne ne m'étonna pas. Elle tourna lentement son regard vers moi, semblant désespérée, alors que je m'assis sur l'herbe, face à elle, le visage aussi lumineux que je le pouvais, afin de lui ramener ne serait-ce qu'un peu d'espoir.
« ─ Personne ne va bien ici ; les anciens ne cessent de se plaindre, les reines ont moins de lait, les petits criaillent, les apprentis sont exténués au même titre que les guerriers, ils ne cessent de patrouiller et chasser et je, je… »
Ma mâchoire se crispa en entendant la Étoile de la Nébuleuse tousser: il ne fallait pas qu'elle tombe malade. J'avais l'horrible impression qu'elle était prête à se laisser mourir pour son Clan, là, tout de suite, comme si mourir et se priver de vivre arrangerait les choses.
« ─ De toute manière, il n’y a pas grand-chose. »
Je baissai le regard. C'était vrai, il n'y avait pas grand chose, mais le peu qu'il y avait lui ferait déjà reprendre des forces.
« ─ Je sais tout ça... Mais qu'est un Clan sans un chef vivace et plein d'espoir? Il ne faut pas que tu tombes malade, alors... mange au moins quelque chose, quitte à partager avec quelqu'un. »
Si je prenais moi aussi un air sombre, malade et désespéré, son humeur allait empirer, d'où la vie que je mettais dans ma voix pour m'adresser à elle.
« ─ On va s'en sortir. On s'en sort toujours. »
Finis-je par dire, un sourire au visage. Peu importe où mon regard se posait, je voyais des visages décomposés. N'y avait-il personne qui n'avait l'espoir et la confiance? Mon cœur se serra, mon visage se tordit. Tant pis. Ce n'était pas non plus la mort, pas vrai? Ni la guerre, ni l'épidémie? L'hiver pouvait être long, mais jamais interminable.